Real Madrid – une première victime et des doutes tenaces

   Une Supercoupe d’Espagne ratée, un été laborieux avec, pourtant, un titre à la clef… Après une première en championnat peu mais presque convaincante hier, le Real Madrid ne semble pas encore au sommet de ses capacités. Pas illogique si l’on analyse de plus près la paradoxale préparation du club madrilène, ainsi que sa gestion.

   Si l’on est d’humeur à s’interroger sur ce qui cloche dernièrement, ou bien sur ce qui est susceptible de clocher avec cette équipe madrilène alors que débute à peine la nouvelle saison, force est de constater qu’il faut en avaler, des informations, pour dégager au moins quelques pistes viables à explorer dans les grandes problématiques.

   Ainsi nous poseront seulement quelques fondations à cet article. Des questions, organisées par paragraphes auxquelles nous tenteront de répondre à l’aide de l’actualité footballistique la plus fraîche qui soit, ayant comme but de ne rien oublier et d’interroger tous les aspects d’une problématique.

I) le Real Madrid actuel est-il, semble-t-il ou peut-il être meilleur que la saison dernière ?

   Voici donc la première question que l’on doit se poser pour faire le point, aujourd’hui. Cela ne semble pas excessivement utile de le dire, la saison entière doit encore être jouée. Mais il est toutefois intéressant de se demander ce qui dans la gestion, le coaching, l’aspect tactique, a pu faire défaut cet été au Real Madrid, qui a traversé quoi qu’on dise, et malgré ce titre en Supercoupe d’Europe, des turbulences.

   Les arrivées, tout d’abord. A un effectif déjà pléthorique viennent s’ajouter Keylor Navas, le portier Costaricain (10M€ environ), James Rodriguez, le jeune et talentueux Colombien pour une somme comprise entre 80 et 90M€ ainsi que Toni Kroos, le maestro Allemand (récent champion du monde au Brésil) pour la modique somme de 30M€ hors bonus environ. Côté départs, Di Maria auteur d’un passage au Real Madrid exemplaire, une jeunesse au cours de laquelle il a su monter en puissance jusqu’à devenir le virevoltant champion d’Europe que l’on connaît. Un départ vers Manchester United où on l’attend plus affûté que jamais, malgré ses récurrents travers et sa relative fragilité. Une transaction estimée entre 75 et 90M€ comme nous vous l’annoncions ICI.

   Si on en restait là, la gestion de ce mercato par la direction Madrilène semblerait plutôt bonne : si l’on prend les chiffres les plus bas de ces transactions pour laisser sa part au doute, alors le Real Madrid a dépensé 120M€ et renfloué ses caisses de caisses de 75M€. La dépense ne s’élève alors « plus qu’à » 45M€. Correct, mais non sans bémol lorsque l’on sait que Diego Lopez, parti cet été gratuitement au terme de son contrat, aurait pu rapporter une somme correcte à la maison blanche, de l’ordre des 10M€ à n’en presque point douter, pour un portier ayant démontré toute sa qualité au cours des deux exercices passés, et qui estimait « être meilleur » lorsqu’il évoquait une dernière fois la concurrence d’Iker Casillas et Keylor Navas avant de s’envoler pour le Milan AC. Lopez visiblement frustré par la gestion madrilène, mais qui n’est pas le seul dans ce cas là. Souvenons des cas Robben ou Sneijder. Des profils qui n’intéressaient pas Florentino Perez lors de sa réélection à l’époque.

La recrue James Rodriguez avec CR7 pour le premier trophée de la saison, la Supercoupe d’Europe

II) Doubler les postes avec une telle qualité :  puissance théorique et faiblesse humaine

  Nous parlions de gestion ci-dessus, tentons de nous y enliser. La méthode Florentino coûte cher, elle est longue à mettre en place. Mais les équipes qui en auront résultées ont brillé, ou brillent tôt ou tard à un moment donné de leur parcours, traditionnellement parsemé de belles et moins belles choses sous l’égide du puissant homme d’affaire. Le Real Madrid version 2015 peut se targuer de posséder un effectif impressionnant. Chaque poste est doublé, que cela soit par un jeune espoir talentueux du centre de formation, un jeune espoir du football mondial, quelques vieux briscards du football mondial au palmarès bien garni ou encore, pour finir, une flopée de joueurs qui font partie des tous meilleurs à leurs postes. L’équipe vaut une fortune.

   Justement. Une fortune pour des hommes et des hommes pour la défier. Il en sera toujours ainsi. Il y a certes bon nombre de compétitions à disputer, mais le turn-over excessif qui s’annonce permettra-t-il à un jeu et une mentalité d’équipe de se créer ? L’équipe titulaire, répondrons certains, est composée de joueurs qui se connaissent depuis longtemps, et de certains qui sont amenés à bien vite mieux se connaître. Cela semble être une évidence, mais dans le secteur offensif, la donne a concrètement changé depuis les départs d’Ozil, et le récent envol de Di Maria vers un nouveau challenge. Deux des trois joueurs qui sont censés connaître le mieux les mouvements de la machine Cristiano Ronaldo, auteur de son 255ème but en 250 matchs pour les merengue, sont déjà partis. Reste Benzema, plus ancien partenaire offensif du portugais à être titulaire.

   L’entente générale entre Bale, Ronaldo et Benzema n’est plus à parfaire, d’ailleurs. Tout comme Modric n’a qu’à se ressaisir, mais pas à douter. Kroos monte quant à lui en puissance, déjà bon dans le jeu long et un peu juste la balle dans les pieds. James Rodriguez, lui, éclaire certaines phases de jeu mais va devoir travailler avant de découvrir le niveau qui doit être le sien à Madrid. Le jeune Isco est toujours en dents de scie… La complicité est un élément crucial et le Real doit encore convaincre sur ce plan.

   Du bon et du moins bon, donc, le tout compensé par un effectif largement suffisant tant qualitativement que quantitativement… De quoi peut-on avoir peur pour le Real Madrid, dans ce cas ?

    Lorsque l’on imagine  le cadre privilégié des footballeurs, ainsi que l’immense richesse dont ils disposent, on imagine aisément que cela puisse faire disjoncter presque n’importe qui. On comprend presque mieux cette notion ‘d’égo’ entre les joueurs, qui se traduit par un processus de « déconnexion » de nos valeurs sociétales qui veulent que l’on ne juge pas uniquement les personnes sur leur talent. En gros : un microcosme où le talent suffit. Avec une telle surpopulation, le diplomate Ancelotti était tout trouvé pour le club espagnol, à ceci-près que la formule peut ne plus fonctionner. Parfois même brutalement. L’effondrement, parfois attendu et parfois totalement inopiné du géant Madrilène, spécialement sous la coupe de Florentino Perez, est un syndrome inquiétant qui pèse toujours sur le club de la capitale espagnole, le palmarès et la richesse du club déliant toutes les langues. Ce qui nous amène directement à notre troisième et dernière question.

Florentino Pérez

III) L’institution Real Madrid peut-elle, indéfiniment et par son aura quasi-exclusivement, se comporter à sa guise auprès des joueurs ?

   Le Real Madrid a les moyens d’acheter, et de jeter. C’est arrivé, ça arrivera. Toutefois, il faut reconnaitre à M. Florentino Perez une nette progression. Cette équipe a beaucoup dépensé, tout en renforçant sa stratégie commerciale, sportive, et même sur le long terme avec la formation des jeunes. Une obligation après l’ouragan de la Masia du FC Barcelone, et l’hégémonie catalane aux abords des années 2010. Les titres ne s’obtiennent pas comme ça, et la gestion se veut depuis quelque temps plus cohérente, comme nous l’avions souligné un peu plus haut ici même. Un équilibre trouvé entre récompenses, recettes, transactions sur le marché des transferts et succès sportifs individuels, qui demeurent une vitrine pour le club.

Toutefois, ce culte de l’institution, qui veut que personne ne soit plus fort que le blason, ce Madridisme ancré chez Perez et ses socios, se traduit régulièrement sous sa présidence par des transferts choc, des situations déplaisantes, des négociations âpres. Plusieurs joueurs, nous le disions, estiment que le Real Madrid s’est débarrassé d’eux. Plus qu’un dommage collatéral, un effet direct de gestion, qui laisse la place aux caprices. Les moyens financiers, eux, laisse la place à leur réalisation. Un procédé qui suscite l’indignation régulière et répétée de la population Européenne.

Et pourquoi pas celle des joueurs ? Imaginons que la tendance devienne une tradition définitive, liée à l’histoire, le grand Real resterait-il la destination la plus prisée de tous les temps d’ici une dizaine d’années ? Rien n’est moins sûr. Les joueurs à avoir éconduit la puissante maison blanche restent nombreux. Méfiance donc.

La légende Raùl et un des rébus de Perez, pourtant efficace, Fernando Morientes.

Un été et un début de saison qui résonnent comme un avertissement pour la présidence Perez et pour la pléiade de champions présents à Santiago Bernabeu cette année. Tout va encore bien, la Supercoupe est un trophée à part entière, pour lequel les joies d’une victoire et la responsabilité d’une défaite se sont manifestées. Une défaite inquiétante, par ailleurs, tant la seconde période des merengue lors de la finale retour face à l’Atletico était d’une inefficacité presque affligeante. Une entame poussive ensuite, en championnat, à domicile face à Cordoba hier soir mais une victoire tout de même, sur le score de deux buts à zéro. Grâce à Benzema dans un premier temps, et à Ronaldo en toute fin de rencontre.

Les ingrédients semblent être réunis pour que la saison soit faste et radieuse, mais attention toutefois à ces récurrents problèmes qui pourraient plonger un des effectifs les plus intéressants du moment et de l’histoire du football dans une inaptitude à se montrer glorieux des plus malvenues…