Edito – Manchester City : sauvé par les extrémités ?
Retrouvez cette semaine notre édito retraçant le parcours des 5 meilleures équipes des 5 principaux championnats. Place toujours ce mardi à la Barclays Premier League et à son dauphin cette fois, Manchester City, ovni du football européen, roi sans royaume et sans attributs.
Manchester City est un paradoxe. Un de plus. Une équipe capable de se sublimer dans des matchs de gala (rappelons nous de la victoire 3-2, anecdotique certes, face au Bayern en LdC) et pourtant fragile. Championne d’Angleterre l’année dernière, et pourtant fébrile cette saison. La liste d’éléments contraires est longue, par conséquent nous tenterons de chercher le virus dans le jeu, mais aussi dans les esprits. Car si la formation appartenant au Sheikh Mansour Bin Zayed est capable de gagner des titres et de produire un football exquis par moment, elle se montre surtout capable d’ennuyer son public et les autres depuis désormais 2008, an du rachat par les fonds émirats.
Si le ton pourrait sembler moqueur, il ne l’est pas. L’interrogation est réelle. Que manque-t-il à cette formation pour qu’elle resplendisse en Europe comme son voisin de United, par exemple ? La réponse risque d’en décevoir plus d’un. Ainsi, on reproche souvent au président madrilène Florentino Perez de fausser le marché des transferts avec des transactions exorbitantes. C’est oublier que City a possédé du moins pendant 3 saisons, des moyens identiques. Si ces moyens ne sont maintenant plus que « similaires », c’est parce que les échecs répétés ne laissent pas la place au développement envisagé. Le fautif est pourtant tout trouvé.
Taxer Manchester City de club sans histoire serait une grossière erreur. Toutefois, ce n’est pas une histoire récente pouvant captiver l’ensemble des jeunes joueurs mondiaux souhaitant forger leur légende dans le football. Cette richissime équipe de City a su attirer de grands joueurs autour de ce qu’on le nomme « un projet ». Que veut donc dire ce mot, et quelle est cette nébuleuse qui l’entoure ? Projet est un mot que l’on n’a pas besoin de dire, quand on appelle FC Barcelone, Real Madrid, Bayern Munich. Ce mot désigne à la fois notre propre manque d’attractivité, et nos énormes moyens. Ce mot est un leurre dans lequel nombre de jeunes et moins jeunes joueurs seront tombés. Qu’importent ce que prétendent les joueurs, on ne va jouer au Real pour le projet. On ne va pas jouer au Barça l’esprit focalisé sur les générations futures, mais on y va pour briller, parmi les étoiles, et parce que le rêve se suffit à lui-même. Cette terminologie du projet n’aura fait que légitimer les sommes colossales investies auprès des médias, le tout pour une bagatelle de titres, une fois de plus, rachitique.
Et cette saison, alors, que retient-on du projet de Manchester City ? Des idées, comme chaque saison. Une somme d’idées qui combinées à celles des 3 dernières saisons devraient accoucher d’une ligne de conduite, mais tout le problème est là : cette formation ne semble pas apprendre de l’échec. Peut-être parce qu’elle n’en a pas besoin. Nous évoquions un paradoxe, le voici en statistiques : un effectif taillé pour les demi-finales de Ligue des Champions, qui échoue en huitièmes, et qui ne gagne que 55% de ces matchs cette saison (toutes compétitions confondues). Pire, alors que nous parlions de coups d’éclats occasionnels contre les grosses écuries, City s’est révélé peu en verve contre les petites équipes, contre qui la formation de Manuel Pellegrini a laissé filer trop de points. L’équipe parvient toutefois à se hisser au second rang de Barclays Premier League, on ne dira pas par miracle, mais par défaut. Car si Chelsea fut imprenable, et Arsenal bien en jambes (ce qui promet pour la saison prochaine), on ne voyait aucun réel concurrent dans cette histoire aux citizens, champions l’année passée.
Attention toutefois, si le bilan global n’est pas bon, les coups d’éclat dont nous parlions n’ont rien de coups de chance. Plusieurs joueurs de niveau mondial, des stars du football, composent cet effectif qui aura toujours eu, quel que soit le coach, la particularité de ne pas vraiment trouver de cohésion au fil des saisons. La faute à des remaniements intensifs, et aux arrivées de cracks peut-être trop consécutives. Autre plan sur lequel les citizens doivent progresser : la place faite aux jeunes joueurs. Quand on voit l’intégralité de cet effectif, on lit les noms de promesses du football pouvant devenir la véritable relève, si ce n’est mieux. Mais ils ne jouissent d’aucun temps de jeu ou presque. Une politique, à part entière, qui vient peut-être interférer avec le travail des professionnels.
On est tentés de dire que ce qui n’a pas profité à Manchester City cette saison, c’est cette arrivée du printemps et ces défaites à répétition. Ce qui est loin d’être faux sur le plan comptable, mais loin d’être vrai dans le jeu. City n’était pas au niveau de Barcelone. City, sur les 5 dernières saisons, ne s’est jamais montré sur deux matchs au niveau d’une légende européenne du football. Le constat est sans appel : City est au sommet de ses possibilités.
On n’apprendra guère à ces joueurs comment être plus réguliers. Ils connaissent leurs erreurs. Une attaque à 102 buts sur la saison, qui en encaisse plus de la moitié malgré les noms ronflants composant la défense. Les paradoxes fleurissent d’eux-même, et seuls les forces en présence pourraient guérir de ces tendances. Cependant, puisque toute vérité n’est pas bonne à dire, il convient d’en glisser une des plus implacables : cette saison, sans son gardien Joe Hart et son avant-centre Kun Aguero, City aurait sans trouvé le temps encore plus long. City, sauvé par les extrémités ?
Quelques dates dans la saison de Manchester City :
– 10 / 08 / 2014 : la saison des citizens débute par un match allégorie : défaite 3-0 en finale de la supercoupe contre Arsenal. Le ton est donné. Une façon de dire : vous serez là où l’action se déroule, mais vous n’en serez pas les gagnants.
– 22 / 11 / 2014 : Manchester City va durant les semaines à venir légitimer sa présence parmi l’élite du football anglais et enchaîne une série de résultats excellents. 9 victoires consécutives toutes compétitions confondues, dont celle à domicile contre le grand Bayern. A ce stade, ou soupçonne l’équipe de Pellegrini d’être au niveau pour l’Europe.
– 24 / 02 / 2015 : jour de match et de défaite face au Barça, en huitièmes de finale aller de Ligue des Champions. Les résultats qui suivront seront sans appel : défaites face à Liverpool, Burnley, le Barça à nouveau, puis Crystal Palace et, pire que tout, Manchester United. Printemps pourri, comme on dit en Angleterre.
– 24 / 05 / 2015 : les skyblues terminent leur championnat bons dauphins, après une dernière série de 6 victoires consécutives. Une façon de dire « non, on ne gagnera pas, mais ce n’est pas la peine de nous prendre pour des peintres ».
En somme, ce que l’on retient de cette saison des citizens, c’est ce qu’on a toujours suspecté, ce que l’on a appris à retenir. Si cette équipe débute cette saison avec la ferme intention d’obtenir des titres, quelque chose vient enrayer la machine assez rapidement. City peut remporter des titres, mais ne semble pas nécessairement y croire en Europe. La volonté et la détermination ne s’étalent pas sur le long terme, et une idée farfelue ferait bien de sortir de la tête de ses dirigeants. Ainsi, il faudrait faire jouer davantage les jeunes, ou encore, obliger les forces actuelles à remporter la Ligue Europa, de sorte que ces joueurs prennent goût aux séries de titres et se donnent envie mutuellement de faire quelque chose de ce « projet ». Les méthodes sont comparables en théorie, mais se révèlent aux antipodes : ainsi, le Real de Perez habitué à dépenser des sommes phénoménales, a renoué avec la victoire, le tout grâce au blason, à l’envie, à l’histoire, à l’ego. A quelque chose d’inexplicable qui fait la magie du football, et que City touche, de la pulpe du doigt, par instants. Sans jamais le saisir.
Les joueurs de l’ancien « Man Blue » devraient se concentrer davantage sur le terrain et oublier les complexes : les sommes investies permettaient largement l’entrée de nombreuses lignes au palmarès. Oui, mais pas cette année. Qu’à cela ne tienne, on ne saurait imaginer City fermer le porte monnaie et ne pas dépenser une fortune en stars et entraîneurs de passage cet été. Une ritournelle qui en devient presque douloureuse.
Dis papy, pourquoi il ne marche plus, mon jouet ?