CdM 2014 : Brésil, torts partagés
Au lendemain de l’hallucinante défaite du Brésil face à l’Allemagne en demi-finale de « sa » Coupe du Monde, nous percevons des tendances lourdes qui peuvent expliquer – sans justifier – l’ampleur de cette déroute.
Avec des larmes et de la dignité. Voila comment l’écrasante majorité des supporters auriverde ont encaissé la raclée infligée hier par une Mannschaft à la puissance de feu retrouvée. Cela n’empêche personne de tenter d’expliquer l’inexplicable, de trouver des raisons à cette faillite collective qui aura finalement déstabilisé le monde entier, amateur de football ou non. Alors que les joueurs brésiliens ont tous reçu la note de 0/10 par nos confrères d’O Globo, trois idées principales trouvent leur chemin dans les esprits des témoins de cette débâcle historique pour alimenter le débat et analyser ce cuisant échec.
Une faillite mentale
Le Brésil a toujours été un peuple passionné. La chaleur humaine, l’empathie et la religion sont des valeurs déterminantes là-bas. Ainsi lorsque le monde braque les yeux sur lui, que l’heure est grave et que la pression est immense, c’est tout le pays qui se met à bouillir. Ajoutons à ce contexte la perte sur blessure de son meilleur joueur et la suspension de son capitaine et meilleur défenseur. Mélangeons avec des performances poussives et des faits de jeu contestables pour arriver à ce stade de la compétition. Avant le coup d’envoi à Belo Horizonte, les joueurs étaient à fleur de peau et cela se voyait : David Luiz avec le maillot de Neymar, l’hymne chanté comme jamais, tous les joueurs en train de prier. L’ennui quand on s’en remet presque entièrement à son affect pour gérer une situation de crise, c’est qu’on en oublie l’intellect et on court le risque d’exploser en vol. Demandez à la Suisse et à l’Espagne ce qu’ils pensent de cette « méthode ». Comme eux, le Brésil était sur le fil du rasoir.
Un milieu friable
Les Allemands n’ont pas eu ce problème. Ils maitrisaient leur sujet et ont froidement exécuté leurs adversaires à chaque fois qu’ils en ont eu l’occasion. Pour revenir au score après cette rafale de but et dans l’état mental dans lequel il se trouvait, le Brésil s’est mis à jouer comme à la 85ème minute d’un match avec un but à remonter : de longs ballons vers l’avant pour des attaquants pris à la gorge et manquant de soutien. En oubliant totalement son milieu de terrain. Déjà que cette bataille paraissait perdue d’avance avec les retours en forme et en grâce du trio Schweinsteiger-Khedira-Kroos, impressionnant de puissance et d’aisance hier soir, le manque d’expérience internationale et de poids tactique sur la rencontre de Luis Gustavo, Fernandinho et Oscar n’arrangeait pas les choses. Résultat : Bernard tentait des dribbles naïfs, Hulk était souvent hors jeu et Fred était…inexistant. Les entrées de Ramires, de Paulinho puis de Willian visaient bien à corriger cela, mais en vain.
Aucun plan de jeu
Peut-être que leur présence au coup d’envoi aurait pu influer sur les événements, puisque le Brésil s’est mis à mieux jouer et s’est même offert plusieurs occasions de revenir à la marque lorsqu’ils étaient sur la pelouse. Le fait est qu’eux-mêmes manquaient de repères, puisque n’ayant pas joué de façon régulière aux tours précédents, et jamais dans le même rôle. Jusqu’alors les victoires reposaient surtout sur le soutien populaire, sur des faits de jeu, sur des coups de pied arrêtés et sur Neymar. Pas vraiment de quoi construire un plan de jeu digne de ce nom. Joachim Low nous a clairement démontré hier que sans idée directrice pour conduire les joueurs vers la victoire, rien ne sert de courir. Luiz Felipe Scolari a déçu non seulement les fans de la nation hôte du Mondial, mais aussi l’ensemble des connaisseurs du football brésilien, fait de provocations, de débordements et d’étincelles techniques qui ont accroché cinq étoiles au maillot national. On ne l’a jamais vu hier soir.
A croire que le Brésil n’était pas vraiment préparé à remporter son Mondial. En dépit de toutes leurs prières et la ferveur qui l’entourait, la sélection ne pourra faire mieux qu’une 3ème place contre les Pays-Bas. A samedi.